21 mars 2018

De la vacuité du Beau — Ma lecture du mois (février 2018)

  Une lecture faite sur plusieurs mois... un peu laborieuse... alors que je pensais accrocher bien plus !


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  Mademoiselle de Maupin, Théophile Gautier, Editions Flammarion, coll. GF Flammarion, 1966

  Le moins que je puisse dire, c'est que cette lecture fut laborieuse. J'ai mis plus de deux mois à terminer ce roman, là où deux semaines me suffisent lorsque je n'ai pourtant pas le temps de lire... La raison en est toute simple : les protagonistes sont d'un creux ! mais je vais y revenir.
  Mis à part cela, appréciant déjà l'écriture de Gautier, j'ai beaucoup aimé ses longues descriptions, presque relevant du songe, des décors, des situations... mais pas des sentiments. Car ils sont froids. J'entends par là qu'ils sont cruellement égoïstes, ce qui contraste avec l'impression de rêverie, parfois pastorale, instaurée. L'effet est voulu : confronter le rêve du Beau, de l'Idéal, du Parfait à la froideur et la rudesse de notre monde, personnifié au travers de deux personnages d'une vacuité folle et d'un égoïsme sans borne qui seront nos seuls repères puisque seuls auteurs des lettres qui nous sont présentées.
  Sur ce point, j'ai aimé l'idée d'une correspondance unilatérale qui nous est parvenue, nous laissant à la place du confident entretenu des affaires de son ami. Je pense que c'est cela qui m'a raccroché aux wagons, ponctuellement.
  Vraiment, le problème réside en ces personnages détestables. Nous sommes face à deux jeunes gens désabusés qui n'aspirent qu'à l'inaccessible — inaccessible perfection plastique, d'une part, confinent au surréel et inaccessible besoin de liberté de l'autre part (point sur lequel je vais revenir). Le compromis n'existe pour aucun d'eux et, même en voulant bien faire, en essayant de ne pas faire de mal, ils n'y arrivent pas, trop ancrés dans leurs propres problématiques pour se montrer honnêtes.

  D'Albert, notre premier personnage, est celui qui m'a donné le plus de mal. Sa quête du Beau, de l'Idée de Beau est réellement éprouvante car elle ne peut avoir d'issu favorable. Le Beau n'étant pas pérenne, nous savons dès le début que son existence restera incomplète et qu'il continuera de geindre et de maltraiter les femmes (non physiquement, mais par ses mots), tels des objets qui ne seraient destinés qu'à être trophées ou ne pas être. Il apparaît donc comme un petit garçon froid, malgré des élans passionnés lorsqu'il se plonge dans sa quête obsessionnelle de la perfection, seuls passages réellement enchanteurs de ses lettres à son ami.

  Mademoiselle de Maupin, en se travestissant en homme, se veut libre de découvrir tout de la nature de cet autre sexe, ce qui la poussera au dégoût de celui-ci, sans pour autant en éprouver une répulsion physique, se découvrant lesbienne. Nous ne savons pas vraiment si elle aurait un penchant charnel affirmé pour les femmes, alors que nous savons qu'elle les préfère du côté de l'esprit et pour leur idéal de volupté, renvoyant à une sensualité artistique qu'appelle déjà D'Albert de ses vœux.
  Ce personnage semble être sorti d'un songe, ne semble être qu'une idée, qu'une sorte d'idéal, d'autant qu'elle s'évapore après avoir accompli deux actes à visée unique. Je suis assez partagée sur son cas car, si son désir de liberté et sa volonté de vouloir s'échapper du carcan réservé aux femmes à cette époque, elle ne m'inspire guère plus de sympathie que son homologue masculin car elle est d'un cruel égoïsme, notamment envers sa nouvelle amie Rosette à qui elle cachera son identité jusqu'à la quasi fin du roman, causant beaucoup de troubles, presque une mort, même, tout ça pour ne pas révéler son identité; nous comprenons les raisons qu'elle expose, mais nous nous rendons bien compte qu'il s'agit là d'une enfant perdue dans ses mensonges et qui n'a pas tant de courage que ça.

  Le compromis n'existe pas pour ces deux jeunes gens qui vont se retrouver dépassés par leurs propres attentes, ayant pu toucher du doigt leur but, sans pouvoir s'y agripper. La fin abrupte du roman traduit cette quête qui ne peut aboutir, ce qui est tout à fait juste.
  Encore une fois : la forme est tout à fait à propos, tombe juste, est compréhensible, mais les personnages sont un nécessaire frein, dirais-je.

★★★☆☆

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  Encore dans ma PAL :
  • Les Proies, Thomas Cullinan, Editions Rivages, coll. Rivages Noir, 2017
  • Les 120 journées de Sodome, Sade, Editions 10/18, 2014
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  Un retour un peu long sur ce roman dont la forme est brillante, le fond juste mais le contenu nécessairement trop irritant pour ma lecture.
  De grâce ! soyez consistants dans vos vies ! — Mais gardez cet amour de l'esthétisme pour l'Art.
—xoxo

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