20 octobre 2017

Agressions sexuelles, viols... quand on exige tout et son contraire de la part des victimes

  Il y a déjà quelques mois de cela, bien avant les #MeToo et #BalanceTonPorc, je publiais une vidéo sur YouTube afin de faire part de mon vécu, partageant quatre histoires d'agressions que j'ai subi dans ma jeune vie. Mi-octobre, le journaliste Bruno Rieth, préparant un dossier sur ces questions pour le magazine Marianne (suite à l'affaire Weinstein) est tombé sur cette vidéo et a décidé de me contacter. J'ai accepté d'en parler, me disant qu'un rayonnement national de cette parole ne pouvait être que bénéfique pour les victimes — nous le verrons après, j'ai pu déchanter à un moment.

  Ce témoignage est consultable sur le site de Marianne, en lecture gratuite, et c'est tant mieux.
  Toutefois, j'ai fait la bêtise de lire les commentaire qu'il a pu susciter et le moins que nous puissions dire, c'est que la plupart ne sont pas bien brillant, effarant, voir effrayant.

  Petit retour.

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  De tout ce que j'expose, toutes ces injonctions, ces conseils et remarques, tout vient d'hommes. Pour être juste, des soutiens aussi viennent d'autres, il n'est pas question de stigmatiser, mais le constat est là.
  Cela rejoint parfaitement ce que j'expose dans ma vidéo (à retrouver plus bas) : le statut de victime est perpétuellement remis en cause.

  ✒︎Quatre en 26 ans, ça fait beaucoup...

  Un "reproche" qui est souvent revenu est celui du nombre des agressions que j'ai pu subir, ce qui rendrait mon témoignage peu vraisemblable. Dois-je m'excuser du fait d'avoir été une victime autant de fois ? Ce nombre fait de mon témoignage quelque chose de "caricatural" et qui "dessert la cause". Ah. Sache que, Jean-Thierry, moi aussi j'aurais bien aimé être le type même de victime que tu te figure : agressée seulement une fois, traumatisme unique qui serait legit — mieux, j'aurais préféré ne jamais connaître ces atrocités. Mais tu sais quoi ? Nous ne choisissons pas. Et je ne suis pas un cas isolé. Tant qu'il y a des prédateurs dehors, il y a des proies à l'extérieur et, comme nous n'en mourrons pas, cela peut retomber sur les mêmes. La faute à qui ? A pas de chance ? ou à moi ?

  ✒︎Il faudrait que je revois ma communication informelle

  Merci beaucoup pour ce conseil, Jean-Eude. J'apprécie. Sauf que ce commentaire pose quelques questions :
  • Un sourire de politesse face à autrui dans une situation lambda (neutre, sans séduction en cours) signifie-t-il "Mon Dieu ! mais qu'attends-tu pour me sauter dessus ?? Je n'attends que ça !" ? Ridicule, n'est-ce pas ? Nous sommes d'accord.
  • Le fait d'être "féminine", comme il a été mentionné dans l'article — et j'y mets des guillemets car ce terme peut être discutable — fait-il d'une femme une séductrice-tentatrice ? parce qu'elle porterait du rouge à lèvres, serait bien coiffée ou apprêtée ? Communication informelle de mon cul, Jean-Jean ! Je reviendrai sur l'accoutrement plus tard.
  • Suivant ce principe de communication informelle, il supplanterait celui de consentement mutuel. Parce que, jusqu'à preuve du contraire, un "Non" prononcé est une barrière à ne pas franchir. On ne franchit pas une interdiction. D'ailleurs, Jean-Kevin, je sais faire la différence entre un "Non" feint, pour jouer et un "Non" d'interdiction; comme la plupart des gens. Alors merci de ne pas me faire passer pour une crétine (j'ai pu lire le terme "nunuche") qui aurait instauré le trouble chez son prétendu agresseur. L'un des hommes qui m'a violé (qui était mon petit-ami de surcroit) m'a dit qu'il pensait que je jouais. Et il était sincère, c'est ça, le pire ! il s'en voulait tellement, avait tellement pleuré, que je n'ai jamais porté plainte contre lui et ne le ferai pas pour x et y raisons — et on peut me dire que j'ai tort, je comprendrais. Mais, franchement, quel autre crétin pourrait penser qu'une femme qui se débat violemment, qui crie, qui griffe, qui pleure, qui hurle "LÂCHE-MOI !! JE N'AI PAS ENVIE !! ARRÊTE !!" joue, provoque, consent inconsciemment ??! C'est irrecevable.

  ✒︎On peut violer son conjoint ? C'est nouveau, ça !

  Eh bien non, Jean-Jérôme, ce n'est absolument pas nouveau. Sauf que nous n'en parlons que très peu. Mais si tu penses que j'exagère, voilà qui est encore pire. Penserais-tu, sous prétexte que quelqu'un est en couple, il doit forcément accepter un rapport dès que son partenaire en a envie alors que lui/elle non ? Nous ne sommes pas toujours en phase au même moment ! Parfois je dis "Non", parfois on me dit "Non" et c'est OK. Mais prendre de force ce que l'autre ne veut pas vous donner, ça, c'est de l'agression et ça peut conduire à du viol.
  Note : je ne dis pas que je n'ai jamais été extrêmement pénible avec quelques partenaires (se résumant à deux), mais cela n'a jamais dépassé le fait de les empêcher de dormir. Jamais je ne les ai sexuellement stimulé de force, embrassés contre leur gré etc. La différence est là.

  ✒︎Je n'ai pas l'air de savoir ce que je veux

  A la lumière du nombre d'agressions subies et du fait que j'aurais une très mauvaise communication informelle, que je me fasse violer étant en couple, la faute m'incombe forcément. Une victime fautive. Le concept que nous voulons nous foutre en tête pour dédouaner les agresseurs de tous temps.
  Je ne sais même pas comment nous pouvons humainement pointer ça du doigt lorsqu'une victime tente de s'exprimer. Pour prendre quelque chose de très simple qui est systématiquement posé sur la table par les défenseurs des victimes : et si c'était ta sœur, Jean-Christophe, ou ta mère, ou ta nièce, ou ta copine qui avait été victime, est-ce que c'est parce qu'elle n'aurait pas su ce qu'elle voulait à un moment M ? Parce que sa communication informelle semblait crier "OUI !" alors qu'elle disait pourtant "Non" ? Et même, admettons, qu'à un instant T elle désire une personne, entre dans un jeu de séduction mais, plus tard, décide qu'elle ne veut plus jouer, se rend compte que ce désire s'est envolé et dit "Stop"; il serait donc trop tard ? Ce refus ne compterait pas, puisqu'elle aura beaucoup trop aguiché ce pauvre autre joueur dans l'affaire ? Voilà qui est ridicule.
  Je ne le répèterais jamais suffisamment : un refus, un "Non", prévaut toujours sur tout !

  ✒︎De l'art d'exiger tout et son contraire de la part des femmes

  La mauvaise foi que nous adorons tant. J'ai répondu à Jean-Miche-Miche sur quelques commentaires et celui-ci s'est un peu radoucis, même s'il est resté, en définitive, dans sa bêtise. J'ai pris ses excuses, mais il m'a quand même bien hérissé le poil — ah oui, toute femme féminine que je suis, il m'en reste encore pas mal; déso pas déso.

  Globalement, ces messieurs d'extrême mauvaise foi (ajoutons-y quelques dames) voient en une femme qui tire la gueule dans l'espace public, qui ne répondrait pas à un commentaire sur son apparence ou autre, une cul-serré de féminazi qui assimile tous les hommes à des agresseurs potentiel. Il y aurait déjà tellement à en dire (comment se fait-elle aborder ? avec quel type de commentaire ? sur quel ton ? etc.), mais, de façon générale, les femmes répondent, pour peu que l'échange soit courtois. Et c'est mon cas. Si un homme m'aborde pour me demander quelque chose ou me faire un commentaire de manière correcte (il ne me le chuchote pas en passant à mon niveau, il n'a pas un regarde lubrique, il ne me suit pas pour à tout prix entrer en contact avec moi), je lui réponds et avec un sourire de politesse, parce que j'ai été bien élevée et que je suis avenante. Du coup, que dois-je faire ? Faire la gueule, ou être avenant ? Venez-moi en aide, mes bons sieurs !

  Aussi, une féminazi se méfie de tous les hommes, sans discernement. Ce qui n'est pas mon cas; en voyant un homme, je ne me dis pas qu'il s'agit là d'un agresseur en puissance et, même si je sens que je lui plaît, je fais confiance à son intelligence pour comprendre qu'un refus ou qu'une non-coopération dans un jeu de séduction est un holà infranchissable. Alors, encore une fois, que dois-je faire ? Ne puis-je plus inviter un homme chez moi sans m'attendre à une relation sexuelle parce que, ben c'est bien normal ! tout le monde sait que lorsqu'un homme se rend chez une femme, c'est forcément pour copuler et il faut être "nunuche" pour ne pas le comprendre. Ne venez pas à mon aide, mes bon sieurs, j'ai tranché : plus aucun homme à part mes amis ne viennent chez moi. Voilà, vous avez réussi à me féminazifier sur ce point. Je suis devenue radicale et dresse une barrière entre homme et femme, puisque la bonne intelligence n'est pas présente chez tous et que le risque est trop gros, après la dernière agression subie. Et une liberté de moins, une !

  Mais la perle revient à Jean-Jean qui remet en cause mon habillement, comme je l'ai abordé précédemment. Depuis le temps, nous le savons : la femme n'est qu'une tentatrice qui provoque par sa toilette beaucoup trop sexualisée — allez dire ça à toutes les femmes en burka et autres qui se font violer tout de même. Etrangement, nous n'avons que peu de réponses (enfin, de réponses satisfaisantes) à la question suivante : "Mais du coup, si une femme porte une mini-jupe et un décolleté, ça voudrait dire qu'elle cherche plus à se faire violer qu'une autre ? Ca légitime son agresseur ?" Nul besoin d'épiloguer sur le sujet pour se rendre compte du ridicule de tout ceci. Les tarés qui répondront par l'affirmative sont déjà des causes perdue, malheureusement; rien ne pourra les faire changer d'idée.
  De plus, il me semble que nous avons la liberté de nous habiller comme nous le souhaitons. Liberté à laquelle j'ai renoncé, ce qui est inacceptable. En effet, j'ai pu recevoir une connaissance chez moi, pour papoter. Le fait est que nous avions par deux fois, sur un intervalle de deux ans couché ensemble certes, mais je n'ai jamais laissé sous-entendre que cela pourrait se reproduire (communication informelle RPZ) — je le précise pour montrer que je n'étais pas particulièrement intéressée par lui, chose qu'il savait, même si d'autres pourront s'en servir pour me prouver le contraire. Ce soir là, je portais une jupe, un body et des bas (puisque je n'avais plus de collants, mais dans une société normale, je ne devrais même pas sentir le besoin de le préciser ou de le justifier). J'aime bien être coquette par moments, est-ce un crime ? Sûrement, puisqu'il y a vu une invitation à plus. Si, dans les faits, m'attirer à lui contre mon gré, m'embrasser à plusieurs reprises dans l'espoir que j'y réponde favorablement est une agression, je ne l'ai pas ressenti aussi violemment que les autres et ne l'ai pas compté, puisqu'il s'est arrêté là, même si cela a été très pénible. Ainsi, je me suis promis de ne plus jamais recevoir quiconque en jupe ou robe. J'ai abandonné une liberté face à la lubricité de l'agresseur. Mais cela n'a pas suffit pour le dernier, que j'ai reçu, quelques temps après, en jean et t-shirt, ayant même mis du rouge à lèvres foncé pour le dissuader de m'embrasser — toi qui penses que je n'étais pas assez méfiante, Jean-Hubert, insinuant sûrement sans le vouloir que j'ai mérité ce qu'il m'est arrivé, tu ne penses pas plutôt que j'ai beaucoup trop réfléchis et que, si tous les hommes n'étaient pas des prédateurs, je n'aurais pas à me soucier de comment m'habiller ? Là aussi, j'ai commencé à me féminazifier, même si, globalement, je fais encore ce que je veux.
  Que dois-je faire ? Trouver une cape d'invisibilité ? Là, par contre, venez-moi en aide, bande de stupides porcs lubriques ! Pardon... je voulais dire venez-moi en aide, mes bons sieurs.

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  Sachez que vous ne ferez jamais changer d'idée ces personnes fermées, qui ne veulent pas voir plus loin que le bout de leur petit nez et qui ont des certitudes bien ancrées en eux malgré toutes les preuves que vous pourrez leur apporter. Ce n'est pas d'elles dont vous devez vous soucier, mais de vous. Ces personnes sont déjà perdues.
  Il faut activement travailler avec les jeunes générations pour éradiquer le problème.
  N'oubliez pas que nous avons tous notre rôle à jouer, dans le respect de chacun.

  ✒︎L'article à retrouver ici
  ✒︎Un article intitulé "#BalanceTonPorc : elles parlent, ils mecspliquent..." qui retranscrit parfaitement tout ce que j'aborde ici

—xoxo

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